Le samedi 30 novembre dernier, nous avons assisté à une soirée organisée par DNB Sewers, un jeune collectif bruxellois, à la Jh Alleman d’Auderghem. À cette occasion, nous avons rencontré l’un des headliners, Blanko. Le patron du label Abyssal Music s’est confié sur ses plus grandes influences, ses ambitions pour l’avenir, et son regard sur l’état actuel de la scène en Belgique.
Interview
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ? De quand datent tes débuts dans la musique ?
J’ai découvert la drum & bass dans la chambre d’un ami. On s’est mis à mixer ensemble, on le faisait ensuite tous les jours. C’était il y a 6 ans, j’avais 23 ans à l’époque. J’ai commencé une carrière de DJ avec lui – puis il s’est concentré sur le metal -, avant de continuer en solo. J’ai ensuite lancé mon label, Abyssal Music, 1 an plus tard. Je me suis récemment mis à la production. Je travaille à 80 %, le reste est dédié à ma carrière d’artiste et au label.
Quels artistes t’ont fait tomber amoureux de la drum & bass ?
La première fois que j’ai entendu de la drum & bass, c’était à la maison des jeunes de mon village d’enfance. Je devais avoir 13 ans, un truc comme ça. Je me rappelle qu’on passait du Pendulum et The Prodigy à l’époque.
Je suis ensuite allé à ma première soirée underground, où on jouait majoritairement de la jump up. J’ai vu des artistes comme Konichi et Decimal Bass – avant qu’ils forment Annix – ou Ironlung. Le gars qui faisait le warm-up – qui est encore l’un de mes meilleurs amis – jouait de la deep à la Amoss, Skeptical ou Alix Perez et mixait cela avec de la jump up. J’ai vraiment adoré. Je lui ai envoyé un message ensuite et il m’a envoyé toute sa tracklist.
De base, j’étais fan de jump up, mais j’ai trouvé que ça sonnait très souvent la même chose et je me suis lassé. Je suis allé à une Star Warz et c’est comme ça que je suis tombé amoureux de la deep.
Pourquoi préfères-tu la deep drum & bass à ses autres sous-genres ?
Je trouve qu’il y a plus d’âme dans la deep. On est plus dans la sensation et dans la profondeur, comparé à la jump up où il y a énormément d’énergie et ce côté “défouloir”. Les éléments sont précis et distincts dans la deep. Je trouve aussi que dans la deep, tu peux transmettre beaucoup d’émotions et créer beaucoup de vibes différentes, plus que dans d’autres sous-genres. J’aime beaucoup cette variété.
Quelles sont tes plus grandes influences à l’heure actuelle ?
Comme je l’ai dit, Skeptical, Amoss et Alix Perez m’ont vraiment introduit au genre. Ce sont de vrais pionniers et je les écoute encore maintenant. Actuellement, je dirais que Simula fait partie de mes grosses influences actuelles. Son sound design, où il mélange un peu la jump up et la deep, est vraiment unique. Il repousse les limites de la drum & bass. J’ai beaucoup de respect pour ce qu’il fait.
Jusqu’ici, tu t’es surtout concentré sur le DJing. Pourtant, la production est très souvent considérée comme une condition indispensable à l’essor d’une carrière dans la musique…
C’est vrai. Et dans un autre sens, je connais quelques producteurs qui ne mixent pas. Je pense qu’il y a plus de DJs qui ne produisent pas, que l’inverse. Parce que si tu produis bien, tu seras plus amené à te faire booker, donc tu dois apprendre à mixer.
Je me rappelle de Buunshin et d’IMANU – quand il s’appelait encore Signal. Leurs sets n’étaient pas très bons, alors que leur musique était déjà complètement folle. Maintenant, ils sont bons dans les deux. Parce que tu apprends constamment et que mixer est bien plus facile que produire. Si tu produis, tu connais déjà la structure d’un morceau etc… Et si tu ne fais que mixer, il faut que tu parviennes à te démarquer, créer quelque chose d’unique dans tes sets. Mais tu risques quand même de te heurter à un plafond de verre à un moment ou à un autre.
Prends par exemple un artiste comme Andy C. Il n’a pas produit beaucoup de sons, mais il est présent depuis tellement longtemps. A l’époque, il était l’un des seuls qui étaient capables de te sortir des sets de malade sur vinyles, en mixant sur 4 ou 6 decks. Mais à l’heure actuelle, n’importe qui peut mixer. C’est devenu super accessible, tu peux utiliser le sync etc…
Comment te prépares-tu pour un set ?
Je dirais que cela dépend du l’évènement où je suis invité. Je fais une playlist sur Rekordbox pour chaque concert que j’ai. Je me prépare en fonction de la vibe que j’imagine que ça va être, et évidemment en fonction des artistes que j’écoute le plus sur le moment. Je prépare une intro, les 5 premiers sons, et ensuite je me laisse porter. Je préfère improviser, sauf pour les grandes occasions comme Rampage ou quand je suis avec ma chanteuse, Marge. Dans ce cas-là, je dois préparer la totalité du set et l’enregistrer afin qu’elle sache quand elle doit monter sur scène. Mais même quand je prépare un set, j’essaie de lire le public et de quand même improviser.
La recette secrète pour réussir un set de drum & bass ?
Je pense que le plus important, c’est de créer un flow, quelque chose de continu. Cela ne sert à rien de faire trop d’interruptions et à l’inverse, de ne faire que des doubles drops. Il ne faut pas non plus hésiter à laisser la foule se reposer un peu par moments. J’aime beaucoup varier, que ce soit dans le choix des tracks que dans celui des genres. Je n’hésite pas à passer un peu de liquid, mélanger des sons un peu jump up avec des morceaux de deep etc. Le plus important, c’est de garder l’attention du public, mais aussi de jouer ce qu’on veut ! Il faut d’abord faire cela pour soi. Il ne faut pas nécessairement que ça plaise à tout le monde.
J’aime aussi jouer de la deep dubstep, de la jungle et du UK garage. J’ai beaucoup de bons sons de dubstep mais la demande n’est pas très forte en Belgique. Par exemple, à la prochaine soirée du label (le 14 décembre, nda), on a demandé à Chenzo (qui joue d’habitude de la riddim, nda) de faire un set de deep dubstep spécialement pour l’occasion.
Quel est ton plus grand souvenir en tant que DJ ?
Je pense que c’est la première fois où j’ai joué à la Star Warz. C’était vraiment la première chose que j’avais dans ma “bucket list” en tant que DJ. J’y suis arrivé assez vite – c’était avant le covid. Puis je voulais jouer à la Rampage, et j’y suis aussi parvenu !
Jouer à la Rampage était un truc de dingue, bien sûr. C’était l’une des plus belles choses qui me soient arrivées. Surtout y jouer avec Atmos – l’un de mes meilleurs amis – et Marge. Je suis aussi très content de voir qu’Atmos va à nouveau y jouer avec Robitos cette année. Mais la Star Warz garde une place dans mon cœur parce qu’à l’époque j’allais à toutes les éditions.
L’événement où tu rêves de te produire ?
A Dour Festival, je pense. Au Sun and Bass, aussi. C’est un festival en Italie. Il est assez underground mais pour les fans de deep et de liquid, c’est comme la Mecque ! Tout le monde rêve d’aller là-bas.
Tu as lancé ton propre label, Abyssal, il y a presque cinq ans. Peux-tu nous raconter comment tout a commencé ? Quelles étaient tes intentions derrière ce projet ?
J’ai vu beaucoup de talents en Belgique ne pas bénéficier de la reconnaissance qu’ils méritent. J’ai alors voulu créer une plateforme pour que les jeunes artistes belges puissent promouvoir leur musique. Que ce soit aussi un tremplin vers des labels plus “gros”. Je vois le label grandir d’année en année. Beaucoup, même. Peut-être qu’il changera de dimension et deviendra un label reconnu, qui sait ?
La vision derrière Abyssal est de mettre en avant des sons auxquels les gens ne sont pas habitués ou ne s’attendent pas. Une sortie, ça peut être en deep, en dubstep, liquid ou jump up. On essaie de travailler majoritairement avec des artistes belges, mais aussi des internationaux. En fait, on commence à signer de plus en plus d’artistes hors Belgique. On veut s’ouvrir, ne pas rester dans une forme d’exclusivité. Cependant, l’idéal serait de rester dans une forme de 50/50 à ce niveau-là.
Comment promouvoir un label et le faire grandir ? Quels sont les obstacles ?
Sur les réseaux sociaux, d’abord, en partageant le plus de contenu possible. Ensuite, je joue beaucoup de sons d’Abyssal – aussi des unreleased, des ID – dans mes sets. C’est cool parce que j’ai toujours plein de sons que les gens ne connaissent pas ! Cela me permet aussi de me faire booker. Ensuite, en organisant des soirées labels. C’est une bonne manière de promouvoir Abyssal, via des autocollants ou du merchandising.
Au niveau des obstacles, évidemment il y a aussi la question de l’argent. Il n’y a pas beaucoup de façons d’en faire : en vendant du merchandising et en organisant des soirées – et encore, c’est compliqué d’être rentable. De plus, l’argent que j’ai de mes concerts, je l’injecte aussi dans le label.
On vend aussi des morceaux, mais c’est tellement dur de créer du profit. Parce que tu dois payer pour le mastering, les visuels…En plus, tellement de gens téléchargent illégalement…
Justement, que penses-tu de l’état de la scène drum & bass en Belgique actuellement ?
La scène belge est en plein essor à mon avis. Il y a tellement de bonne musique qui sort de notre petit pays dans tous les sous-genres avec des artistes comme Bredren, Atmos, Lavance, FarFlow… qui cartonnent en ce moment.
Quels sont les artistes sur Abyssal à suivre de très près ?
Mono Black, qui est le roi de la deep dubstep/140 en Belgique. Il a un sound design fou, et la progression dans ses morceaux donne l’impression d’une véritable œuvre d’art. Aussi Failøver, ce gars va bientôt devenir l’un des grands. Tous les morceaux qu’il nous envoie sont extraordinaires et il progresse très rapidement.
Dernière question : d’où vient ton nom de scène ?
En fait, l’ami avec qui j’étais DJ et moi avons fait notre premier concert, mais nous n’avions pas de nom de scène. L’idée nous est venue en regardant Space Jam – mon film préféré quand j’étais enfant – de nous nommer comme les deux petits monstres qui deviennent ensuite stars de basket. J’ai fait mes recherches, et j’ai trouvé qu’ils s’appelaient Blanko et Nawt. Puis mon ami a arrêté de mixer, alors j’ai continué sous Blanko.