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Notre interview avec Oddprophet : “Never Say Die était le meilleur label de dubstep au monde”

Notre interview avec Oddprophet : “Never Say Die était le meilleur label de dubstep au monde”

Dans le cadre de la soirée CODE du samedi 18 mai dernier au Petit Bain à Paris, nous avons échangé avec Oddprophet. Le producteur britannique nous a livré une interview très intéressante, parlant de techniques de production, de la scène dubstep actuelle, mais aussi du célèbre et défunt label Never Say Die.

Interview

Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ?

Oddprophet est la combinaison de toutes les influences musicales que j’ai accumulées au fil des années. Je produis depuis l’âge de 16 ans et j’ai maintenant 27 ans, soit 11 ans d’apprentissage et de production ! J’ai traversé plusieurs phases sous le nom d’Oddprophet, mais l’objectif a toujours été l’innovation et la nouveauté, d’où mes nombreux sons distinctifs ! En plus de faire de la musique, je suis passionné par aider les autres à rendre leur musique la meilleure possible et pour fournir aux jeunes producteurs les outils nécessaires pour améliorer leurs morceaux.

Dans quelle mesure as-tu été influencé par l’histoire musicale et le paysage du Royaume-Uni, considéré comme le berceau de la dubstep et de la bass music ?

Dès que j’ai eu 18 ans, j’ai assisté aux soirées ERGH au Vauxhall de Londres (d’où le nom d’un de mes morceaux « Vauxhall Tearout »), où j’ai vu beaucoup d’artistes devenus connus aujourd’hui, comme Eptic, Trampa, Zomboy, SkisM, Borgore, etc. Bien que tous ces artistes ne soient pas britanniques, Never Say Die était la base de ce que j’écoutais et j’étais ravi qu’ils soient aussi un label basé au Royaume-Uni.

D’où vient ton intérêt pour la tearout ? Es-tu d’accord pour dire que tu étais l’un des pionniers du genre ? Par exemple, tu étais l’un des premiers à inclure des drops en slow BPM dans tes morceaux…

Je ne dirais pas avec certitude que j’ai été le premier à changer les tempos de cette manière en dubstep. Mais c’était un risque de commencer à le faire. L’idée vient directement de genres comme le metalcore et le djent où le tempo chute soudainement. Ce n’est pas vraiment une convention en dubstep car la plupart des morceaux doivent conserver une « compatibilité DJ ». Les DJs peuvent être découragés lorsqu’ils réalisent qu’ils ne peuvent pas beatmatch ou synchroniser les BPM, même s’il existe des réglages dans Rekordbox qui permettent de le faire !

J’aime penser que j’ai pris ce risque de faire un changement de BPM dans un endroit inhabituel de mon morceau « British Gas ». Personne ne le faisait à l’époque, même le label était hésitant quant au succès du morceau ! Mais la musique, c’est prendre des risques, c’est ce qui paie !

Justement, quelle est la valeur ajoutée du “breakdown” dans un morceau ?

C’est super amusant à faire, d’abord, et c’est super amusant à écouter. Le seul problème, c’est que la dubstep est un genre “fluide”. Une fois que le public s’est mis à danser, il ne veut plus s’arrêter ! Introduire un changement de tempo peut déranger ce “flow”, et la foule peut être comme perturbée. Cela ne se produit pas dans les concerts de metalcore, les gens s’adaptent rapidement car ils s’attendent à ces changements de BPM, c’est une convention du genre ! Je pense que c’est un changement agréable et plus de gens devraient le faire pour que cela devienne normalisé dans la tearout. Après tout, c’est aussi lourd que le metalcore !

Que penses-tu de l’évolution de la tearout et de la heavy dubstep ? Le son, la scène, de nouveaux artistes comme yvm3, STVG, Nimda, etc. ?

Tous ces artistes sont fantastiques, et j’espère que leur ascension créera plus d’espace pour que d’autres artistes underground émergent à leur tour. La tearout est l’un des genres les plus difficiles à créer à mon avis, donc se démarquer n’est pas une mince affaire. Le fait que Nimda tourne actuellement aux États-Unis est un autre feu vert pour que les promoteurs invitent plus d’artistes dans ce genre.

Au fait, Panda Eyes et Madcore ont joué l’un de tes morceaux slow BPM à la Rampage en février dernier. Quel a été ton ressenti ?

J’y étais ! Panda Eyes et Madcore sont de bons amis et ils m’ont dit en coulisses qu’ils allaient jouer deux de mes morceaux ! J’étais entouré de nombreux amis du milieu, dont les sons ont également été joués par Panda Eyes et Madcore. Je leur ai demandé comment ils allaient les mixer, étant donné qu’ils ont des BPM différents des morceaux de dubstep normaux. Ils ont répondu qu’ils allaient simplement utiliser l’effet “echo”. Ce sont tous les deux des légendes absolues et ils méritaient amplement cette mise en avant de la part de la Rampage.

Tu aimes aussi produire des morceaux plus mélodiques – des chansons comme « Disassociation », « Riddim Love Song » ou « Desire » ; tu as également fait un remix pour Meduza…

Je ne me limite pas à un style particulier de dubstep, bien que je pense que cela puisse perturber certains auditeurs. « Est-il heavy ou mélodique, pourquoi n’est-il pas cohérent ? » J’aime penser qu’il y a toujours un style Oddprophet qui transparaît dans les deux styles.

Suite aux réactions à mon EP “The Tempest Pt. 1”, j’ai décidé d’explorer encore plus ce style si particulier. C’est libérateur de pouvoir changer la composition à mi-parcours de la chanson et que cela ait du sens ! Les gens s’attendent à l’inattendu et j’adore ça.

D’une manière générale, à quel point est-il difficile de continuer à évoluer musicalement et à rester régulier dans la sortie de morceaux ?

Pour les producteurs débutants, je pense que cela devient de plus en plus difficile chaque année. Plus de producteurs, plus d’innovation, plus de concurrence. Je sais que ce n’est pas agréable de parler de concurrence avec d’autres artistes, mais c’est un peu la réalité. Il n’y a qu’un nombre limité de places dans les line-ups des festivals et des concerts. Depuis que j’ai réduit le nombre de concerts que je fais, j’ai pu vraiment prendre mon temps pour produire la meilleure musique possible.

Faire évoluer ton son prend du temps et de la chance, tu ne peux pas simplement créer quelque chose de nouveau de nulle part, et si tu le fais rapidement, tu es extrêmement chanceux. Écoutes d’autres genres, observe leurs conventions et demande-toi comment tu peux les intégrer dans tes propres compositions.

Tu donnes également des cours de production musicale. Quel est ton meilleur conseil pour un jeune producteur ?

Absolument, j’enseigne depuis six ans et j’aime aider les gens à réaliser leurs rêves aussi. Pour apprendre à faire de la dubstep, il faut aussi apprendre à l’enseigner. La plupart des gens n’apprennent pas simplement en voyant ce que vous faites, il faut une expérience d’apprentissage plus profonde pour que les étudiants progressent vraiment.

Si tu es un jeune producteur, tu dois consacrer beaucoup de temps à l’apprentissage et à la création musicale. Cela doit devenir une grande partie de ta vie pour réussir. Quand j’étais à l’université, j’avais beaucoup de temps libre pour faire de la musique et grandir en tant qu’artiste. Certains producteurs n’ont tout simplement pas le temps à cause du travail, de la famille et de la vie sociale. Si tu veux réussir dans le culturisme, tu dois sacrifier beaucoup de temps pour y arriver. Je pense que devenir producteur n’est pas différent !

Avec quel artiste as-tu vraiment aimé collaborer, ou quelle serait ta collaboration de rêve ?

Je suis assez strict quant aux collaborations désormais. Un producteur doit être le leader du morceau et l’autre doit faire ce qu’on lui dit. Après avoir fait le premier drop de « Premier League », Muerte a suivi la même idée, mais dans son style. Le morceau avait vraiment la progression que je lui imaginais. Aidan a compris la mission et l’a très bien remplie, c’était un plaisir de travailler avec lui.

Je n’ai pas vraiment de collaboration dont je rêve en ce moment. Mais si n’importe quel grand groupe de metalcore veut faire un morceau de tearout, je suis partant pour collaborer.

Une question un peu nostalgique : tu as sorti beaucoup de sons sur Never Say Die. Comment ce label a-t-il aidé ta carrière à grandir ? Quelles sont tes pensées sur cette époque, le label et sa fin ?

Never Say Die était le meilleur label de dubstep au monde selon moi, simplement pour la cohérence des sorties de qualité et leur réputation. Une fois que tu es un artiste familier sur ce label, tu vas inévitablement grandir. Quand le label a pris fin, j’ai été surpris et un peu brisé, mais je peux voir pourquoi ils ont arrêté quand ils l’ont fait. La montée des contenus médiatiques courts et des algorithmes sur les réseaux sociaux signifie maintenant que l’auto-publication est une voie plus attrayante pour les artistes. Tu n’as pas besoin d’un label pour être reconnu quand tu peux simplement publier une vidéo de ta chanson sur les réseaux sociaux. Si c’est bon et que les gens aiment, cela se promeut tout seul. Never Say Die a pris fin pour conserver sa réputation de label fantastique et non de celui qui a lentement décliné à cause des réseaux sociaux. J’aimerais toujours qu’ils reviennent pour une sortie et une tournée de plus, comme la réunion d’un boys band.

Comment la scène dubstep britannique se compare-t-elle au reste du monde ? Quelles sont les différences avec, par exemple, le reste de l’Europe ou les États-Unis ?

La dubstep américaine est toujours une blague au Royaume-Uni. Beaucoup de gens associent cette musique à l’époque où ils écoutaient Skrillex sur des écouteurs Skullcandy à l’arrêt de bus. Ou les vidéos de montage Call of Duty sur YouTube avec « I Can’t Stop » de Flux Pavilion en fond. Des événements comme SYNLDN ont attiré des artistes fantastiques et continuent d’avoir du public, mais la dubstep britannique et le 140 BPM sont toujours les principaux genres de dubstep que vous allez trouver ici.

Pour le reste de l’Europe, c’est une autre histoire. Lors de mon dernier concert à Paris (la CODE, nda), la foule s’est comportée comme si c’était le set dernier set de dubstep qu’ils allaient voir de leur vie. Ils se sont déchaînés, un grand merci à la foule parisienne ! Le public américain a l’embarras du choix car il y a des soirées dubstep chaque week-end. Ils se déchaînent beaucoup moins qu’en Europe.

Reviendras-tu bientôt te produire en Belgique ? Que penses-tu de notre scène ?

Je ne joue pas à la Rampage (Open Air, nda) cette année, mais j’y serai pour assister à l’événement et revoir des amis du milieu. Tout comme c’est le cas en France et en Allemagne, le public belge y va à fond et semble avoir un amour inconditionnel pour la dubstep, contrairement au Royaume-Uni.

De nouvelles sorties sont-elles prévues prochainement ?

Bien sûr, « The Tempest Pt. 2 » arrive, avec des collaborations incroyables, des changements de tempo encore plus fous et un sound design encore plus innovant !

Dernière question : quelle est la signification derrière ton nom d’artiste ?

Honnêtement, je suis allé sur un générateur de noms d’artiste et j’ai cliqué sur générer jusqu’à ce que « Oddprophet » apparaisse ! À l’origine, il n’y avait aucune raison derrière ce nom, mais maintenant qu’il y a une marque derrière, cela a beaucoup plus de sens avec l’imagerie basée sur le tarot que j’utilise !

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