La Belgique, terre de talents. Le monde de la bass music et de la dubstep n’y échappe évidemment pas et IITYX fait partie de ses plus fiers représentants. Dans le cadre de la Tance qui s’est déroulée le 27 avril à Louvain, nous avons échangé avec le jeune Namurois de 19 ans, qui a complètement explosé depuis la sortie de sa track “Goober”.
Notre interview se réalise en visioconférence. Pourtant, comme lors de ses apparitions en public, IITYX décide de se présenter masqué. Très sincèrement, il nous explique pourquoi.
De base, ce n’était pas une question d’anonymat ou de branding. C’était plus une question d’anxiété. Je n’ai pas une confiance en moi exceptionnelle. Au tout début de IITYX, c’était très très dur. J’ai un peu mis ce masque parce que ça m’aidait à aller aux concerts, parler aux gens, jouer…C’est juste une question de me sentir bien, en général.
Interview avec IITYX
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ?
Ça fait déjà 9 ans que je fais de la musique. Ce n’est pas mon premier projet du tout. J’ai une famille assez musicale. Je me suis mis sérieusement à la production musicale en 2015. C’était plutôt basé future bass – mais je ne préfère pas le dire ! (rires) -, puis je me suis tourné vers la dubstep quand j’ai découvert Skrillex.
J’ai un ancien alias en future bass…mais je ne préfère pas le dévoiler !
J’ai commencé la production vers 10 ou 11 ans. C’était mon père qui m’avait offert FL Studio à l’époque. Je faisais déjà de la musique depuis un certain temps. Je fais de la batterie depuis mes 3 ans, et ensuite j’ai appris le piano vers 8 ans. J’ai été très tôt baigné dans la musique. C’est grâce à mes parents, ils m’emmenaient à des concerts de metal. Des trucs comme le Graspop, j’y allais tous les ans quand j’étais petit (rires). J’ai commencé par ça. Et quand j’ai découvert la musique électronique, j’ai plongé directement dedans !
Quels sont les artistes qui t’ont fait tomber amoureux de la dubstep ?
J’ai découvert la dubstep grâce à Muse, qui avait fait un morceau dans le genre. Et ensuite, évidemment, l’EP “Bangarang” de Skrillex, celui qu’on connaît tous ! Par après, un artiste comme Virtual Riot m’a vraiment fait tomber dedans. J’ai ensuite découvert des artistes plus underground tels que Akeos, Benzmixer, Subfiltronik,…J’ai beaucoup écouté la chaîne DubstepGutter, aussi.
D’où vient cet intérêt pour la tearout ? Quels artistes sont actuellement des références, inspirations pour toi ?
Je pense quand même que le metal m’a influencé, parce que ça garde cette connotation assez “lourde”, assez “heavy”, comme celle de la tearout. Ce que j’aime vraiment dedans, c’est cet aspect sound design, à chercher les sons qui fassent le plus “mal” et qui donnent le plus envie de vraiment tout casser (rires).
J’ai découvert ça avec l’EP de Marauda sur Never Say Die Records, celui où il y avait “Casket” (“Malignant”, nda). J’étais vraiment devenu addict à sa track “RIP”, et je voulais absolument faire quelque chose dans ce genre-là. En même temps, c’est lui qui a popularisé cet aspect-là dans la dubstep actuelle. Maintenant, mes inspirations principales en tearout sont DVEIGHT, Kronomikal – 80 pourcents de mon style vient de lui, il m’a vraiment tout appris. Knoir, aussi, j’aime beaucoup ce qu’il fait.
Mais je vais aussi chercher hors-dubstep. Parce qu’actuellement il n’y a plus grand-monde qui se démarque. Je trouve que c’est un peu moins intéressant qu’avant. En règle générale, il faut réussir à se démarquer quand on est artiste, être “différent”. Mais j’écoute encore évidemment de la tearout, j’ai par exemple vraiment aimé les dernières compilations de Mentis (le label de Nimda, nda) et Disciple.
Que penses-tu du développement du genre ? La tearout se confond maintenant avec la heavy dubstep, devient de plus en plus connue…
Je trouve que c’est assez marrant, parce que la tearout est en train de devenir vraiment connue. A l’époque, c’était uniquement Marauda qui était connu. Mais maintenant, ç’est devenu limite mainstream. Même dans la tearout low bpm.
Il y a une ligne assez floue entre l’heavy dubstep et la tearout. Les lignes du mainstream commencent un peu à tirer vers la tearout pure. Regarde par exemple Oddprophet, qui fait des sons ultra violents en tearout à 120 BPM et qui marche vraiment bien. Ça veut dire qu’il y a du changement, de l’évolution. Akeos et Syzy faisaient vraiment de la tearout et se tournent maintenant plus vers la dubstep mainstream, et ça marche aussi !
Te définirais-tu plutôt comme un artiste tearout, riddim, heavy dubstep,… ?
Je pars du principe que les gens disent ce qu’ils veulent de la musique. Je ne suis pas super fan d’avoir une description de ce que je fais. Un jour, je pourrais faire de la riddim. Un autre, je pourrais me tourner vers quelque chose de plus heavy dubstep, ou en drum and bass etc. Ça ne change rien du tout. Les gens catégorisent comme ils veulent. Je préfère appeler ça heavy dubstep, parce que j’étais plus parti vers un aspect mainstream au départ. Mais rien ne sert de mettre cela dans des cases.
Oui et d’ailleurs, comme tes remixes de WINK ou de Leotrix peuvent le laisser supposer, tu apprécies également les genres plus mélodiques…
Le côté mélodique permet de changer avec celui ultra agressif de la tearout. Je veux quand même transmettre des émotions. Et puis, dans un set, c’est bien mieux de ne pas toujours mettre la même note – sinon, on s’emmerde un peu – et de varier. Oui, Leotrix a été une inspiration, mais j’ai l’impression qu’il ne sort plus grand-chose.
Tu aimes bien varier de genres, notamment dans tes prods (techno, hardcore…). Tu as d’autres inspirations hors dubstep, voire hors bass music ?
J’écoute un peu de ces genres-là, mais je ne suis pas du tout un fan assidu. Ce sont des choses que j’écoute de loin. C’est plus une sorte de challenge pour moi, vouloir faire quelque chose de différent. Que le deuxième drop soit le même que le premier, ça n’a vraiment aucun intérêt pour moi ! Les deux drops que j’ai mis en hardcore/techno, ce sont des choses que j’ai ajoutées le jour avant de sortir la track. Je me suis vraiment dit : “Vas-y c’est parti, on fait n’importe quoi !” (rires). Je suis pris dans le processus créatif et je me dis : “Quelle dinguerie je pourrais faire ?”.
Tu te définis toi-même comme un adepte de la distorsion. Un terme finalement assez large. Comment le définirais-tu ? Quel est son apport dans une track ?
C’est très compliqué à définir. La distorsion, ça peut être un peu tout et n’importe quoi. Le principe, c’est de mettre un son de plus en plus fort jusqu’à ce que les ondes deviennent carrées. Dans la bass music, on a tendance à rendre tout extrêmement fort. C’est ça qui donne justement cette identité si particulière. La distorsion est souvent utilisée pour tout rendre extrêmement fort. Moi, je l’utilise pour que ça ait un effet sur le sub (la basse) mais sans détruire un mix complet. Il fait savoir qu’une basse a plusieurs harmonies, c’est ça qui lui donne sa couleur. La distorsion permet de faire ressortir ces fréquences, qui sont initialement très basses. C’est aussi utilisé pour faire ressortir les synthés. En tearout, on l’utilise pour donner ce côté un peu crade, dégueulasse à la basse.
Que penses-tu de la nouvelle génération de producteurs dubstep ? Quels en sont les plus prometteurs ?
Je pense notamment à MOB, qui est extrêmement fort. Mais il n’a pas beaucoup de dates. S’il continue comme ça, il arrivera au niveau de Marauda sans problème. Il y a aussi MNNIC. Il n’est pas très connu, mais il est super fort au niveau de son sound design. Il n’a que 15 ans, en plus ! Astaroth, aussi.
Oui, ils sont tous très jeunes. Mais ce n’est qu’une question d’années de production. Quand tu es jeune, ça aide parce que t’as un peu plus de temps. Mais un artiste comme DVEIGHT, par exemple, il n’a à peine que 5 ans de production et a explosé après seulement deux ans.
Il n’y a pas de secret : il faut juste se donner le temps. Tu peux avoir 12 ou 40 ans, ce sera la même chose !
Que tu aies 12 ou 40 ans, il n’y a pas de secret : il faut juste se donner le temps.
Tu organises aussi la Room36, dont la première édition à eu lieu au Trix. Tu peux nous en dire plus ?
De base, c’était une idée un peu folle que j’ai eue avec un copain belge qui s’appelle Khelic (anciennement Doom Thesis, nda). On voulait s’axer heavy dubstep/tearout, parce qu’en Belgique on a que la riddim. Ça faisait un an qu’on travaillait sur le projet. C’était très cool d’avoir une première édition. On compte en faire d’autres, mais tout dépendra de nos moyens financiers. Nos têtes d’affiche étaient Nimda et Daeya (anciennement DDD, nda), c’est quand même pas mal !
Un mot sur la scène dubstep belge et wallonne ? Comment la faire revivre ?
C’est vrai que la scène wallonne, c’est un peu le néant ! Je ne sais pas trop dire pourquoi, parce que quand j’ai commencé à sortir, il n’y avait déjà plus rien. La bonne chose avec la Flandre, c’est que c’est très bien placé géographiquement. Ils sont littéralement collés aux Pays-Bas, la France et l’Allemagne. Anvers est un peu un point central avec le Benelux et l’Allemagne. Ça a du sens qu’il y ait autant de soirées là-bas.
Concernant la Wallonie, j’en ai vraiment aucune idée. J’avais pensé à organiser des soirées à Namur, mais là…Il n’y a pas assez de monde qui écoute ça. Liège ça pourrait être bien. Mais Arlon ou Charleroi, géographiquement parlant…
Je sais que la drum and bass est fortement présente en Wallonie, ça oui. Mais pour le reste de la bass music, c’est généralement mort. Plus personne n’en écoute, ou les gens ne sont pas assez intéressés.
On serait tenté de dire que ta carrière a démarré très fort, avec des tracks à succès telles que “Goober” et des passages dans des grosses soirées telles que la Rampage, l’Ignition, la Space Invaderz, la Blacklist…
Il faut savoir que j’ai commencé le projet IITYX il y a un peu moins de deux ans. C’était juste un projet que j’avais, j’en avais vraiment rien à foutre à la base…Si les gens kiffent, tant mieux. Dès que j’ai posté ma track “Goober”, tout a explosé ! C’était seulement mon 4e morceau, en seulement trois mois. Quand Marauda l’a repostée, j’ai compris que c’était parti quoi… C’est incontrôlable (rires) ! Je ne sais pas comment ça se fait.
Est-ce que tu t’attendais à une telle percée ? Comment gère-t-on cela ? Dans la vie de tous les jours, la vie professionnelle ?
Clairement, non. Je ne m’y attendais pas. C’est un peu de vivre un tel succès aussi jeune, surtout si tu ne l’as pas connu auparavant. Il y a beaucoup de problèmes d’insécurité qui se montrent, des problèmes d’ego ou de méchanceté en général. J’ai eu la chance de l’avoir déjà un peu connu avant. J’étais quand même assez préparé. Quand j’ai vu le succès arriver, je me suis dit : “Ok, ce n’est pas le moment de faire le con !”.
Je suis quand même reconnaissant, parce que déjà dans la dubstep c’est dur d’exploser jusqu’au point où les gens te reconnaissent dans la rue. Les gens viennent justement vers toi en soirée, et ça fait trop plaisir. A partir du moment où on a un esprit ouvert et assez sain, c’est dur de tomber dans le piège, de devenir une mauvaise personne à cause de ça. C’est important de ne pas prendre la grosse tête. Il y a des gens qui n’y arrivent pas, mais normalement c’est très simple… Au niveau des agents – je suis signé chez MB Artists -; c’est aussi une clé d’être entouré des bonnes personnes. Il te faut ces personnes qui t’orientent, t’encouragent, créent des connexions…
Ça demande beaucoup de travail sur soi, ça c’est clair. Le seul problème, c’est que c’est très dur de mélanger la vie musicale et la vie professionnelle. Je suis à l’université, donc c’est dur de sortir des tracks, de partir en tournée…Il faut être fort mentalement, être capable de se lever tous les jours et de travailler même quand tu n’as rien à faire.
Il y a aussi la Rampage Open Air 2024 qui arrive, en B2B avec Glockz. Un palier énorme dans ta carrière ? A la Storm, en plus !
C’est très gros, évidemment. J’avais déjà joué sur la scène du camping l’année dernière avec mon pote Hechter. Je me disais que je ne “méritais” pas vraiment de jouer sur la Storm l’an dernier, parce que ceux qui jouaient sur cette scène étaient vraiment beaucoup plus gros que moi. Ça a clairement plus de sens d’y jouer maintenant qu’il y a un an. C’est clairement les étoiles qui s’alignent.
Glockz est aussi un exemple d’un artiste belge qui a connu une belle ascension. Ça fait un moment qu’il a percé. Il a commencé à jouer partout. Je voulais trop le voir à l’époque, mais j’étais trop jeune. J’étais dégoûté (rires) ! C’est trop bien qu’il soit devenu aussi connu.
Il y a quand même beaucoup de gros producteurs issus du milieu belge, c’est un peu similaire à la France. D’ailleurs, la plupart des gens qui percent en Belgique sont des francophones – je tiens à le préciser.
Après cela, arrivera la tournée, avec des dates en Asie. Comment est-ce que cela s’appréhende ?
On est en train de voir si on peut avoir d’autres dates. Mais le problème, c’est qu’en Asie il y a très peu de dubstep – excepté les très grosses organisations. Quand on eu le booking, je me suis dit “what the fuck !”. C’est clairement une opportunité rêvée pour aller là-bas. Ça m’a fait un gros choc. Aller sur un autre continent, je n’en revenais pas…
L’artiste avec lequel tu rêves de collaborer ?
Je crois que c’est ISOxo. J’écoute beaucoup sa musique, même avant qu’il soit connu, et j’aime beaucoup ce qu’il fait. Il a totalement explosé, c’est complètement fou ! Je me dis que ça pourrait être la collaboration parfaite. On n’a pas du tout le même style, mais je me dis que ça pourrait marcher.
J’écoute beaucoup de trap de ce genre. Même parfois plus que la dubstep, je trouve ça plus intéressant. Des artistes comme WINK, Nitepunk, Juelz, Badlike, RemK, Moore Kismet,…
Un endroit où tu rêves de jouer ? Aux USA ? Ailleurs ?
Clairement, les Etats-Unis ont une plus grosse scène et une plus grosse fanbase. J’aime bien mon Europe à moi, mais si on me dit demain que j’ai le visa et que pars en tournée là-bas, bien sûr que je dis oui ! 85 pourcents de mes auditeurs viennent de là-bas. Je kifferais, mais c’est dur d’avoir un visa. C’est un challenge que je me suis mis, d’ailleurs.
Si je devais choisir quelque part aux USA, ce serait le Summoning of the Eclipse Festival, organisé par Svdden Death. Il y a vraiment tout ce que j’aime là-bas !
Dernière question : d’où vient ton nom d’artiste ?
Alors, ça va paraître un peu nul, mais j’ai juste tapé un nom au hasard sur mon clavier ! (rires)
J’ai fait une grosse liste de 120 noms que je tapais au hasard et qui n’avaient aucun sens. IITYX est celui qui sortait le plus du lot. Je voulais que ce soit unique, que les gens trouvent ça cool. Et qu’en même temps, quand on cherche ça sur internet, on tombe directement sur moi. C’est très important, le référencement.
C’est un peu devenu une blague dans mes morceaux. Finalement, les gens l’ont retenu. Je ne m’attendais pas à ce que cela marche aussi bien.
Un grand merci à IITYX pour son temps et cette interview très enrichissante. Son dernier morceau “Knightout” est disponible sur la plateforme d’écoute Soundcloud.
Crédits d’image: IITYX.