Dans le cadre de la Bassphase, la seule soirée wave en Belgique, nous avons rencontré Remnant.exe. L’artiste se dévoile sur son ascension, ses sorties sur des énormes labels tels que Sable Valley, Ophelia Records ou Pilot ainsi que sur l’évolution de la scène américaine. Il nous révèle également une belle exclusivité en fin d’interview !
Interview avec Remnant.exe
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ?
J’ai grandi dans une maison où je baignais dans la musique. Mon père est producteur et guitariste. Quand j’étais à l’école, j’ai commencé à apprendre le violon. Cela m’a appris à me structurer. J’ai aussi commencé à apprendre les théories musicales, des trucs dans le genre. Très vite ensuite, je me suis mis à la production musicale. Mon père avait un ordinateur avec GarageBand installé dessus. J’avais genre, 7 ou 8 ans. J’ai découvert la musique électronique quand j’avais 10 ou 11 ans.
Quels artistes t’ont fait découvrir la musique électronique et t’ont donné envie d’en produire ?
J’ai découvert la dubstep en 2010, quand ça a commencé à apparaître un peu dans le marché américain, avec des artistes comme Rusko ou Flux Pavilion. UKF Dubstep a vraiment été une immense influence pour moi. C’était vraiment de la musique que j’ai apprécié écouter, et ça m’a donné envie d’en produire.
Comment as-tu découvert la wave ?
Dans mon adolescence, j’ai découvert Logic et j’ai commencé à être bien plus sérieux, en achetant des plug-in etc. De base, je voulais faire de la brostep, comme ce que faisait Skrillex. Ça m’a pris beaucoup de temps pour prendre du niveau. J’ai ensuite déménagé – j’ai grandi en Arizona – et j’ai repris contact avec un ami, qui fait d’ailleurs de la musique sous l’alias Lunacy. A l’époque, il était vraiment connu dans le monde de la wave et avait de nombreuses relations.
J’ai commencé à traîner avec lui parce que les autres gens qui étaient avec moi à l’école n’étaient pas des musiciens, des gens plutôt ennuyeux. Il a commencé à me faire écouter des artistes sur Soundcloud, comme Kareful, Øfdream…Tout ce qui se faisait au début de Liquid Ritual ou Vibe Digital. C’était vers 2016-2017. J’ai trouvé que c’était de la musique vraiment cool, et j’ai vraiment senti une connexion. J’ai commencé à recevoir une certaine attention sur Soundcloud, bien plus qu’auparavant. C’était complètement naturel, et je passais beaucoup moins de temps à réfléchir à comment produire cette musique, le mixage, le mastering etc…C’est vraiment là que le projet Remnant.exe est né.
Comment décrirais-tu ton évolution musicale ? Tu as commencé à produire des morceaux chill-out, synthwave, profonds et atmosphériques, pour ensuite passer à des productions plus Bass Music, explosives et dérivées de la Trance…
Je veux produire de la musique qui déclenche vraiment quelque chose en moi. Qui me donne une sensation, une vibe. Cela n’a pas d’importance que ce soit quelque chose de vraiment violent – comme des gros bangers faits pour les boîtes – ou de plus calme et de cinématique. En fait, si ça me touche, alors ça veut dire que c’est bon.
Quelles sont tes plus grosses influences actuelles ?
Actuellement, Jon Hopkins est l’une des mes plus grandes influences. Il crée des paysages sonores très cool, et pourtant il sait aussi faire de la musique bien plus dansante. Mais il n’est pas catégorisé dans un genre en particulier. Et ça, ça m’inspire. Il est vraiment très fort pour faire évoluer des textures sonores. J’écoute aussi des musiques de jeux vidéo des années 90, comme Donkey Kong, des samples en 16-bit…J’aime vraiment ce genre de sons.
Tu dis être versatile musicalement parlant. A quel point est-ce excitant de toujours explorer de nouvelles sonorités ?
Pour moi, c’est comme un voyage sans fin. Si par exemple je me mets à faire de la hard trap mais que je perds un peu le fil, je peux me dire que je vais commencer à produire quelque chose qui ressemble à des morceaux de folk ou de bluegrass que j’ai entendus à la radio. Ainsi, j’évite de me ranger dans une case. Sinon, tu t’épuises très vite. Je trouve que cela est stimulant. Bien sûr, il y a des jours où je ne sais rien faire, mais quand ça revient et que tu tiens quelque chose…C’est la meilleure sensation au monde. C’est un peu comme une drogue. Dès que tu sais que c’est possible, tu vas toujours le poursuivre.
Je fais d’abord de la musique pour moi-même. C’est vraiment quelque chose de cathartique. Je pense que la plupart des musiciens seront d’accord : la musique est un moyen très fort pour faire transparaître et transmettre une émotion.
Avec quels artistes aimerais-tu collaborer actuellement ? Des personnes avec qui tu pourrais créer une connexion musicalement parlant ?
Il y en a certainement quelques uns. Aussi dans la scène wave. Par exemple, avec Hyperforms (également programmé lors de la dernière Bassphase, nda), nous avions commencé à collaborer mais nous avions tous deux été trop occupés pour terminer cela. J’aimerais bien créer quelque chose avec lui. Également avec Juche, je sens qu’on doit travailler ensemble.
Je pense aussi au dernier album de RL Grime, dont j’ai vraiment aimé la troisième partie. J’aimerais vraiment collaborer avec lui et produire ce genre de sons. C’est vraiment en accord avec ma vision. Il y a aussi des artistes qui ne sont peut-être pas accessibles, comme Skrillex, par exemple. Mt Eden aussi, IMANU, ou Data3, en Drum and Bass. J’ai vraiment écouté beaucoup de drum & bass “Old School” ces derniers temps, comme LTJ Bukem ou Seba, et j’aimerais aussi collaborer avec ces gars-là.
Ton inspiration vient également de domaines autres que la musique. Par exemple, tu mets toi-même ton projet en parallèle avec “notre futur contrôlé par la technologie”…
Je laisse un peu le projet me guider naturellement plutôt que de vouloir lui imposer une direction. J’essaye de voir le projet comme le vestige d’une époque révolue. Qui peut te procurer de la nostalgie, mais que tu ne peux pas identifier. A l’époque où j’ai commencé à m’inspirer d’aspects technologiques, la scène wave était dans un délire très cyberpunk et science-fiction. “Matrix” est mon film préféré, j’aime beaucoup quand ça te raconte une histoire de simulation, où les machines contrôlent tout…Mais on en sait rien, au final. Ma musique essaie d’évoquer ce sentiment d’incertitude, ou d’espoir.
Tes visuels lors de tes concerts sont également très influencés par ce monde futuriste/cyberpunk/spatial. A quel point est-ce important pour toi d’apporter un support visuel à ta musique ?
Pour moi, c’est une manière de construire un monde. J’aime vraiment construire un espace dans lequel ma musique existe. Je fais souvent des rêves très vifs, très abstraits, et j’aime évoquer cela à travers des visuels. C’est comme si ton cerveau pouvait se connecter de manière abstraite avec eux, mais sans te dire quoi que ce soit de manière explicite. Quand la musique accompagne le sentiment créé par les visuels, ça donne quelque chose de vraiment cool.
C’est moi qui réalise les visuels de la plupart de mes morceaux. Par exemple, c’est moi qui ai fait tous les visuels de mon EP “Valence Shell” sorti sur Pilot. Je suis vraiment content qu’ils m’en aient donné la direction artistique. J’aime autant créer des visuels 3D que j’aime produire de la musique.
Je pense aussi que je ne dois pas trop diriger le projet visuellement parlant. Sinon, il perd un peu cet aspect mystique. Je pense que c’est mieux que chacun puisse l’interpréter personnellement, à sa manière.
Tu as déjà collaboré avec deux très grands artistes de la scène électronique : Seven Lions et Plastician.
Sur Seven Lions et son label, Ophelia Records : Sortir des sons sur Ophelia Records, c’était vraiment incroyable. Je suis vraiment un immense fan de Seven Lions, depuis très longtemps. Il a été l’une de mes plus grandes inspirations. J’ai sorti un EP sur le label il y a deux ans, et c’était vraiment une expérience incroyable, cathartique. Faire quelque chose que tant lui que le reste du label a aimé et ensuite avoir l’opportunité de remixer l’un des morceaux de son dernier album (“Someday”, sur “Beyond The Veil”, nda)…c’était juste énorme !
Seven Lions est devenu connu grâce à ses remixes à l’époque, celui d’Above & Beyond (“You Got To Go”, nda) par exemple. On se rendait compte qu’il avait énormément travaillé dessus, qu’il voulait faire en sorte que ce soit le meilleur remix de l’Histoire. C’est comme ça que j’ai su que je devais moi aussi faire le meilleur remix possible. En signe de respect envers lui, qu’il me donne l’opportunité de remixer son morceau. Je suis vraiment très content du remix, et lui-même était impressionné par le sound design.
J’ai vu plusieurs vidéos de ses concerts où il joue mon remix et où des milliers de personnes deviennent fous à ce moment-là. C’est fou, parce que j’ai encore la sensation d’être ce gars qui fait de la musique sur son ordinateur dans sa chambre. Quand tu vois des choses pareilles, tu te rends compte que tu as un impact sur les gens. C’est un sentiment de validation pour tout ce travail fourni durant tant d’années.
On pourrait travailler ensemble sur quelque chose, j’en rêve. Seven Lions est quelqu’un de très occupé, mais j’adorerais collaborer avec lui. Comme si la boucle était bouclée, ce serait énorme !
Sur Plastician : C’est une véritable légende. Quand on parle de la wave, tout lui revient. Être associé à son nom (sur la compilation “Wavepool”, nda), au genre de musique qu’il veut mettre en avant, cela veut vraiment dire beaucoup pour moi. Je n’ai pas rejoint la scène wave au tout début, et donc c’est incroyable de quand même avoir ma place là-dedans. Je l’ai rencontré cette année à l’Amsterdam Dance Event et c’était vraiment une incroyable expérience.
Tu viens de la scène américaine, où contrairement en Europe, la scène hardwave est assez développée. Est-ce que cela apporte plus de popularité et de richesse au genre quand on le mélange sur une affiche avec des noms plus axés dubstep ou bass music ?
C’est dur à dire. J’ai l’impression que la musique électronique assez violente fait partie de la scène EDM mainstream aux Etats-Unis, mais seulement jusqu’à un certain stade. Parce qu’il y a une énorme audience pour la dubstep hardcore ou de la trap très énergique comme ISOxo. Et si tu joues de la hardwave dans ce genre de set, ça va correspondre.
Il y a aussi une énorme audience pour la deep dubstep, plus psychédélique, avec des artistes tels que LSDREAM ou Liquid Stranger. Des sonorités plus douces, calmes, qui se mélangent bien aussi avec la wave. J’ai l’impression que c’est un marché, un créneau, qui n’est pas encore vraiment exploré. Parce que les gens sont plus concentrés sur faire de la musique très énergique, qui crée une réaction immédiate.
Si tu joues quelque chose de plus “deep”, comme de la dubstep à 140 BPM, et que tu mélanges cela avec de la wave, cela peut vraiment être efficace. Je pense qu’un gars comme Ravenscoon fait énormément pour la scène actuellement. Il a été en contact avec beaucoup de producteurs wave lorsqu’il construisait sa carrière. Alors qu’il avait déjà une place, il n’a jamais été étiqueté comme artiste wave. Et maintenant, alors qu’il enchaîne les tournées et les concerts sold out, il joue de la wave très mélodique dans ses sets. Il a également mis en lumière certains artistes, ce que je respecte énormément. Je pense qu’il montre l’intérêt du down tempo et de ne pas toujours devoir jouer des sons très énergiques ou rapides.
J’espère que ça va marcher. Actuellement, c’est difficile à dire. Un gars comme RL Grime remplira toujours des mainstage et ira souvent vers le violent, mais ce n’est pas vraiment représentatif de la scène. Mais oui, mélanger des noms wave/hardwave avec des artistes dubstep/trap, cela apporte incontestablement de la richesse et de la variété.
Tu as récemment sorti un EP sur Pilot (UKF), avec des morceaux drum and bass. Tu le considères d’ailleurs comme “ton meilleur travail à ce jour”. Pourrait-il marquer un nouveau tournant dans le projet Remnant.exe ?
Pas vraiment. Dans un sens, oui, parce que ça peut être considéré comme un cas isolé. Je voulais juste produire de la drum and bass, et je me suis emballé parce que je le sentais bien. Je voudrais bien produire encore d’autres sons comme ceux-là ces prochaines années. Vous allez sûrement en entendre des nouveaux de ma part dans ce genre. J’adore ce que j’ai créé. Mais il faudra du temps pour que cela mature, pour que j’y retourne vraiment. Je vais tenter d’explorer d’autres voies d’abord.
Je suis très content que ce projet termine sur Pilot., parce que c’est un label auquel je pensais depuis longtemps. Le projet est parfait pour Pilot., et je sens qu’ils l’ont vraiment apprécié. Ils m’ont dit : “C’est vraiment cool !”. Et avoir un son publié sur UKF est aussi un énorme accomplissement ! J’ai grandi en écoutant UKF, et maintenant je fais partie de cette famille.
Donc, cet EP sur un label géré par UKF ; de nouvelles sorties sur Sable Valley, Dektora et Ophelia ; des dates en Europe – à l’ADE -, et en première partie de CloZee ou Ravenscoon,… On dirait que les choses se passent bien ! Peut-on dire que ta carrière a pris un nouvel essor récemment ?
Je suis vraiment content, je me sens très enthousiaste et optimiste à propos du futur du projet. J’ai vraiment atteint un stade où je voulais aller. Je ne sais pas si je suis prêt à faire encore plus de tournées, parce qu’un ou deux concerts par mois, c’est déjà beaucoup. Mais je suis vraiment très content d’avoir pu jouer en Europe. Je suis aussi chanceux d’y avoir de la famille. Jouer ma musique ici, devant des gens qui sont là pour m’écouter…La sensation est incroyable. Je n’aurais jamais imaginé quelque chose de tel.
Aurais-tu imaginé arriver à un tel stade il y a 5 ou 6 ans, quand tes morceaux sur Soundcloud atteignaient à peine 1000 écoutes ?
Je n’attendais rien. Je voulais juste produire de la musique qui me plaisait. Au final, j’ai fait en sorte que ça se passe. Plus j’avais de gens qui m’écoutaient, plus j’étais motivé. Je me suis vraiment dit : “Wow ! Je dois continuer !”. J’y ai trouvé du sens.
Est-ce que tu as des nouveaux morceaux qui arrivent prochainement ?
Oui ! J’ai un remix pour un artiste synthwave qui s’appelle Rogue VHS. C’est un remix très hardwave, mais aussi influencé par la synthwave des années 80, avec des solo de guitare. C’est évidemment différent de mon récent projet en drum and bass, mais j’en suis vraiment content. Début 2024, j’ai aussi une collaboration qui sort sur Monstercat ! Je suis très impatient. J’ai également un projet ambient sur lequel je travaille, qui sortira également bientôt.
Dernière question : que signifie ton nom d’artiste ?
J’ai commencé avec juste “Remnant” (“vestige”, en Français). Pour évoquer la nostalgie d’une époque révolue. Un an après avoir lancé mon projet, j’ai découvert sur Spotify qu’un artiste utilisait le même nom. Je me suis dit que je devais changer. Vu que mon Instagram avait toujours été “Remnant.exe”, j’ai décidé de prendre ce nom-là. Comme pour évoquer une technologie, ou une intelligence artificielle, ou comme si tu téléchargeais un fichier. Et qu’il donnait accès à ce monde que je veux faire transparaître. Des fois je pense savoir ce que cela veut dire, des fois beaucoup moins. Mais je laisse les gens avoir leur propre interprétation.