Si la dubstep est extrêmement populaire aux États-Unis, la France peut se targuer de compter sur de nombreux producteurs émergents. Aujourd’hui, nous rencontrons l’artiste montpelliérain Amerzone. L’occasion de parler avec lui de ses plus grandes influences, ses sorties sur Disciple, le développement du genre en France, et même de la question épineuse de savoir si on dit “le” ou “la” dubstep !
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ?
J’ai commencé très jeune à faire du son, mais ça restait de l’électro un peu classique. Genre EDM, etc. J’ai commencé vers 13-14 ans, en regardant des tutos, en touchant un peu à des logiciels, mais je n’étais pas du tout à fond dedans. J’ai vraiment commencé à m’y mettre en Bass Music à l’époque de l’Hybrid Trap, genre Boombox Cartel etc. En rentrant dans mon école de production musicale, j’ai vraiment rencontré des gens qui faisaient ça et qui allaient aux soirées dubstep. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à rentrer dedans, à m’y mettre à fond. C’était en 2018. Ça a évidemment forgé mon identité musicale.
Concernant mon identité, je dirai que je produis de la dubstep un peu “classique”. Pas de la Riddim ou de la Tearout. Même si je garde des influences là-dedans parce que j’en écoute.
Quel(s) artiste(s) t’a/t’ont fait tomber amoureux de la dubstep ?
Je pense vraiment à trois artistes. Virtual Riot, c’est le premier que j’ai vraiment poncé. Comme beaucoup de gens, je pense. Puis Soltan, qui m’a beaucoup influencé dans son sound design et dans la construction de ses tracks. Space Laces aussi, qui est l’artiste que j’écoute encore le plus actuellement.
En Bass Music, plus en général, c’est Marshmello, bizarrement. Parce qu’au début, il sortait des sons très EDM, il collaborait avec des artistes de dubstep ou en passait beaucoup en live. J’ai beaucoup écouté ça et j’ai bien aimé ce qu’il jouait.
J’ai découvert la dubstep très jeune, avec “First Of The Year (Equinox)” de Skrillex. La musique m’avait surpris, parce qu’on n’avait jamais écouté quelque chose de pareil, mais aussi le clip, qui était ultra glauque.
J’ai écouté beaucoup de dubstep vers cette période-là, mais j’ai complètement arrêté ensuite, quand Barely Alive par exemple était en train de grimper. J’ai l’impression que le genre était intéressant, mais j’avais quelques réticences parce que je trouvais ça un peu déconstruit. J’ai continué à écouter certains artistes, du genre Sub Focus, Seven Lions, Zomboy ou Kill The Noise. Je pense que j’ai un peu raté cette ascension, notamment de labels comme Disciple ou Never Say Die.
Certains de tes sons comprennent des éléments vocaux ou mélodiques. D’où vient ton intérêt pour cela ? Quelle plus-value trouves-tu que cela apporte ?
Je pense que ça vient des influences de mon père, qui écoutait beaucoup d’électro progressive ou de la House. Je pense que j’ai beaucoup gardé cette identité-là. C’est quelque chose qui peut venir un peu automatiquement quand je fais une track. Ca me parle direct, parce que cela vient d’une période où j’étais plus jeune.
Je considère aussi que quand quelqu’un écoute une track, il faut que cette personne soit accrochée du début à la fin. Je trouve qu’il y a beaucoup de tracks à l’heure actuelle qui ne sont faites que pour le live. Ça me procure plus de plaisir quand j’entend un son bien construit, avec une vraie intro etc.
Quel est le processus créatif quand tu produis un son de dubstep ? D’où te viens l’idée, comment la mets-tu en place, où vas-tu chercher les éléments ?
En général, je ne démarre jamais de la même manière. Soit, c’est quelque chose que je crée en faisant du sound design, soit j’utilise des plug-in. C’est un peu comme des mini-défis, qui m’amènent parfois à créer des tracks. Aussi, il m’arrive aussi de me dire que je vais essayer de produire un son dans un certain thème ou un certain style, en m’inspirant par exemple du hip-hop etc. J’utilise aussi de temps en temps des sample sur Splice.
Il y a aussi des artistes comme Muerte qui ont un processus très structuré, où les kicks, les snares, les synthés etc sont déjà posés et qu’il va les retravailler ensuite. De mon côté, je ne dis pas non plus que je repars à chaque fois de zéro, mais c’est aussi une manière qui me permet d’être plus créatif.
L’artiste avec lequel tu voudrais collaborer ?
Bah, Muerte, par exemple. Parce que ce qu’il a proposé au début était assez novateur. C’est vraiment bien. Après, je ne me vois pas vraiment collaborer avec lui, parce que je ne sais pas si nos styles correspondraient totalement, mais oui j’aimerais bien me poser avec lui et faire du son.
Knoir aussi, je pense que ça pourrait peut-être plus matcher avec lui, parce qu’il fait des sons qui ressemblent un peu aux miens dans l’esprit. Au niveau du sound design, c’est vraiment très très fort.
Tu as sorti des sons sur Disciple Round Table. J’imagine que c’est un peu une consécration ?
Ah mais grave ! J’ai découvert tellement d’artistes grâce à ce label. Sortir une track chez eux, ça procure un peu un sentiment d’accomplissement. Si tu sors un son chez Disciple, c’est comme si tu étais un peu validé ou reconnu. Ça te donne une sorte de légitimité. Sortir un son sur ce label, qui est peut-être le plus gros en dubstep à l’heure actuelle, ça te rassure aussi, en te disant que tu ne t’es peut-être pas totalement trompé en choisissant de faire du son.
Tu as récemment joué à la Rampage Open Air, le plus gros festival dubstep et Drum and Bass d’Europe…
C’était incroyable. J’étais déjà allé à l’Open Air les années d’avant. La dubstep reste une petite communauté. Tous les Français qui écoutent de la dubstep se retrouvent là-bas. T’as un peu l’impression d’être à la maison. Un peu comme les vacances de rêve. C’était vraiment un très beau souvenir. Après, je n’ai pas eu l’occasion de jouer autre part en Belgique.
Je trouve vraiment ça trop bien d’avoir un si gros festival en Europe, avec des énormes noms, et qui peut rivaliser avec des gros festivals américains.
Vous avez aussi une scène dubstep assez développée en France. Quelle est ton opinion là-dessus ?
De mon point de vue, je trouve que ça se développe de plus en plus, mais surtout chez les producteurs. On en a de plus en plus qui émergent ou qui vont jouer aux Etats-Unis. De ce point de vue-là, je trouve qu’on est vraiment sur une pente ascendante. Quand on voit des gars comme Samplifire, Ivory, HOL!, Dr Ushuu, Roi*,…On a plein de producteurs qui sont en train de monter.
Niveau soirées, j’ai l’impression qu’on en a de plus en plus dernièrement. Mais par exemple, à Montpellier, il n’y en a qu’une seule. Elle s’en sort bien, mais ce n’est pas non plus la scène techno. A Lyon et à Paris aussi.
Après, c’est sûr que ça reste un style qui reste assez peu écouté en France. Les gens écoutent vraiment beaucoup de Techno. Peut-être qu’un jour, ça deviendra plus important. Je l’espère, en tout cas.
La plupart des producteurs, quand ils veulent monter, ils partent aux USA. Par exemple, Ivory, qui est une énorme machine, commence vraiment à voir sa carrière prendre un tournant parce qu’il a eu son visa et que là il tourne partout maintenant.
En parlant des producteurs français, tu as aussi eu des sons sortis sur French Monsters, un projet de dubstep France…
Ils essayent vraiment de mettre la dubstep française en lumière, oui. Après, c’est toujours un peu compliqué. Quand les réseaux sociaux sont vraiment saturés d’énormément de styles de musique…
Après, ils essayent de faire découvrir de nouveaux artistes et ça, c’est très cool. Ce qui va faire que la dubstep française prenne de plus en plus d’ampleur, c’est que les petits artistes prennent en popularité et deviennent justement plus gros. Qu’on se retrouve avec 10-15 producteurs français qui émergent en plus de ceux qu’on a déjà.
Amerzone & Sanchoow – Go Fuck Yourself
Un festival ou un événement où tu voudrais vraiment jouer ?
Le Lost Lands, forcément. C’est clairement devenu le plus gros festival dubstep au monde. Ce serait vraiment le rêve. Toute la scène dubstep en parle. T’as un peu l’impression que le monde s’arrête quand le festival a lieu. C’est dingue.
D’où vient ton nom d’artiste ?
Ça vient de la salle de jeux vidéo que j’avais chez moi. Je passais ma vie à jouer à la PlayStation. Je devais trouver un pseudo pour un jeu en ligne, et à côté de moi il y avait la pochette d’un jeu vidéo qui s’appelait “L’Amerzone” ; un genre de jeu d’enquête, un peu en point and click. Je regardais mon père y jouer quand j’étais plus petit. Je me suis dit que c’était stylé de m’appeler comme ça. Le problème, c’est que longtemps après je me suis rendu compte que c’était assez proche d’Amazon, et que du coup c’était un peu de la merde ! (rires) Mais je ne pouvais plus le changer après. C’était un peu au hasard !
Dernière question : le ou la dubstep ?
Ah, on devrait faire un sondage (rires) ! Personnellement, j’ai toujours dit la dubstep. Parce que quand j’étais à mon école de son, j’avais fait un exposé dessus. J’ai capté que vu que c’est un nom en Anglais, il n’y a pas de “le” ou de “la”, forcément. L’explication, c’était “le” style de musique dubstep, et “la” musique dubstep. Du coup, je me suis rendu compte qu’on pouvait dire les deux ! En vrai, je ne sais même plus si je dis “le” ou “la” dubstep (rires).
Crédits d’image: Amerzone.