Interview avec Ivoryghost dans le cadre de la soirée BassPhase en avril dernier. Nous avons rencontré le DJ/producteur hardwave Néerlandais et il nous présente son univers. Entre influences, accomplissements et projets futurs.
Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ?
J’ai commencé à faire de la musique il y a près de 10 ans. C’était sur Magix Music Maker (rires). Ensuite, je suis passé sur FL Studio et je n’ai pas changé depuis. J’ai commencé par la house, être très influencé par des artistes comme Pryda – l’alias d’Eric Prydz. Mais après quelques années, j’ai commencé à développer plus de capacités en production. Je voulais prendre ma propre direction, mais j’ai eu l’impression de refaire un peu la même musique que lui.
Quand as-tu découvert la wave ?
C’était il y a, je pense, 6 ans. C’était un genre tout nouveau. Je me suis dit : “Waw, c’est dingue !”. La scène était encore très jeune. C’est à ce moment-là que j’ai voulu me lancer dans la trap. J’ai découvert une toute nouvelle communauté. Les gens envoyaient pleins de nouveaux sons sur des groupes etc. Les morceaux ne se ressemblaient pas du tout. Oui, ils avaient les mêmes éléments, mais ils étaient tellement différents pour pleins de raisons. Pour moi, qui venait de la house, c’était vraiment quelque chose de frais. Parce que la house était un genre déjà très défini. Cela semblait difficile de créer quelque chose de nouveau là-dedans. La wave à l’époque, c’était quelque chose d’un peu étrange qui est sorti de nulle part sur Internet. Et personne n’en savait quelque chose ou n’y faisait attention.
Tu es ici en Belgique pour la BassPhase, le premier concept de soirées wave en Belgique. Comment est-ce tu décrirais ce genre ? Ses codes ? Ses origines ?
C’est quelque chose de complexe de retracer les origines de la wave. Je vois plutôt cela comme quelque chose d’international, au niveau de ses codes et de ses règles. Chaque continent, chaque pays presque, a ses propres subdivisions, sa propre culture et influences musicales. Deadcrow, par exemple, qui est un artiste néerlandais, est assez proche du hardstyle. En Pologne, ils sont forts influencés par la whitch house. Aux USA, c’est fort orienté trap. Donc, toutes ces origines se sont fondues ensemble. Et c’est vraiment ce qui a permis de rendre plus riche la wave dans sa globalité.
Est-ce que la wave est populaire aux Pays-Bas ?
Je ne dirais pas que c’est populaire, non. C’est encore très éparpillé. Mais ça commence à attirer l’attention, même ici (en Belgique). Et c’est plutôt cool.
Tes sets sont très variés. Tu passes souvent d’un genre à un autre. A quel point est-ce important pour toi de garder cette diversité dans ta musique ?
C’est très important pour moi. Personnellement, c’est la principale chose que j’apprécie faire. En faisant ça, tu parles à un public plus large et tu peux aussi introduire les gens à différentes choses. En tant qu’artiste, tu peux fonctionner comme une passerelle vers ces différents styles. J’aime aussi faire cela car je peux mettre en valeur la musique d’autres artistes que j’apprécie.
Tu as sorti un son intitulé “Ether”, sur Sable Valley. Il y a des vidéos du patron de ce label, RL Grime, qui le joue devant 18 000 personnes. Comment tu t’es senti quand tu les as vues ?
Oui. C’était lors de l’un de ses concerts Halloween, à Los Angeles. Ce jour-là, j’étais à la maison. Deadcrow et Remnant. exe étaient là-bas, sur place. Et au matin, il m’ont envoyé un message en me disant : “Mec, il joue ta track !”. Pleins de gens m’ont identifié sur des vidéos après. Franchement, j’ai eu la chair de poule. Je n’ai pas arrêté de revoir les vidéos. Je n’arrivais pas à y croire. C’était vraiment dingue. La même semaine, il a joué un autre son de moi – qui n’est pas encore sorti – au Second Sky (le festival de Porter Robinson, nda).
C’était comme si la boucle était bouclée. J’ai commencé il y a 10 ans, au même moment où il (RL Grime) a commencé son concept Halloween. Cet artiste m’a tellement influencé, au même titre qu’Eric Prydz, Steve Aoki, ou même les Chainsmokers ! Je me vois encore, à 14 ans, les regarder jouer à l’Ultra Music Festival ou à l’EDC et me dire : “Un jour, un de ces gars-là va jouer tes sons.” C’était énorme. J’en ai pleuré.
En parlant de Sable Valley, ce label a une image unique et un peu mystérieuse. Comment fonctionne-t-il en réalité ?
J’aime beaucoup leur stratégie. C’est une nouvelle approche sur la gestion d’un label. C’est comme s’ils y ajoutaient des éléments de contexte (lore). C’est un peu comme une institution, un centre de recherche. C’est vraiment cool. Quand tu es signé dessus pour un morceau, c’est comme si tu étais accepté pour le prochain semestre. C’est plutôt marrant aussi. C’est une sorte de bel engagement. Et cela crée aussi une sorte de proximité avec les fans, qui attendent les prochaines sorties.
En tant que fan du label, recevoir ma première lettre d’acceptation était quelque chose de très important. D’ailleurs, j’ai un deuxième son qui va sortir chez eux.
C’est aussi un accomplissement d’avoir sorti un morceau sur Dim Mak – le label de Steve Aoki…
Oui, c’est vrai. C’est arrivé assez vite. Sortir un son sur Dim Mak était aussi une étape très importante. Parce que c’est un label qui est présent depuis très longtemps. C’est sur Dim Mak que les Chainsmokers ont été découverts et ont explosé. C’était l’un des labels dont je rêvais dès le début.
Tu as aussi sorti un mix uniquement composé de sons à toi qui ne sont pas encore sortis. Est-ce que certains sont prévus pour bientôt ? Un EP en préparation ?
Cela fait quelques années que je fais ces mixes, pour le nouvel an. C’était pour mettre en valeur ce sur quoi je travaille, quelle direction je prends. Avec des labels, tu dois attendre un certain temps avant qu’ils sortent. Cela permet aussi à ton public de te suivre plus régulièrement. J’aime bien faire cela, et j’apprécie aussi quand mes artistes préférés le font aussi. Bien sûr – concernant le dernier mix – j’aimerai bien tous finalement les sortir. Mais cela dépendra aussi de la nouvelle musique que je fais et des sorties du label.
Jouer ces sons-là, mais juste en concert, cela fait aussi partie du jeu. Les gens vont se les arracher, et les écouter encore et encore, en espérant qu’ils sortent un jour.
Pour l’instant, je préfère me focaliser sur les singles et attirer l’attention sur ma musique. Je fonctionne mieux avec des singles, d’habitude. Mais si cela se passe bien, je voudrais me concentrer sur des plus gros projets, bien sûr. Les albums et les EP sont aussi plus durs à promouvoir. Il faut attendre le bon moment. Tu dois aussi penser à l’ordre des morceaux, trouver une cohésion, un peu comme une histoire. Parce qu’ils risquent, individuellement, de moins bien marcher.