Les deux étoiles montantes de la dubstep Ace Aura et NAZAAR ont récemment publié un titre intitulé “I’ll Be Waiting”. Sortie sur le mythique label Monstercat, la track a attiré notre attention et mérite véritablement le détour. On vous la décortique dans cet article. Mais tout d’abord, attelons-nous à présenter les deux artistes.
Ace Aura
Commençons par Ace Aura, l’un des noms les plus créatifs et excitants de la scène bass music actuelle. Ace Aura, de son vrai nom Eric Seall, est un producteur américain dont l’ascension a démarré il y a déjà plusieurs années. Ses premières tracks passent relativement inaperçues. Mais il commence à attirer l’attention sur des remixes de “Wait For Me” de Chime ou le hit mélodico-euphorique de Fox Stevenson “Miss You”.
Des débuts un peu timides, avant de progressivement exploser. Il collabore avec Chime – qui est déjà assez connu à l’époque – pour un remix de “Wet Napkin”, de Ray Volpe. Il remixe également le hit “Into The Light”, du Canadien SNAILS. Après une sortie monstrueuse sur Odio Records du nom de “Gamma”, Ace Aura remixe “Crash & Burn”, collaboration entre PhaseOne et le groupe de metalcore Northlane. Et cela, avant d’enchaîner avec le son qui va définitivement le propulser sur le devant de la scène : “Coma”, sortie sur Circus Records.
Il sort, sur le même EP intitulé “Comatose”, la pépite “Self-Sabotage” avec Millenial Trash, puis remixe deux sons de la légende Seven Lions. Ce qui lui permettra d’intégrer son label, Ophelia Records. Il collabore également avec Subtronics sur “Resist”. Oui, le jeune homme est d’une productivité impressionnante.
Au fur et à mesure de ses productions, Ace Aura a développé un sound design de plus en plus reconnaissable. Coloré, futuriste, réconfortant, diablement dynamique, inventif et surtout massif. Novateur, tout simplement. Ca y est, peut-être sans le savoir, Seall s’installe aux côtés de Virtual Riot ou Oolacile pour devenir l’une des figures de proue d’un mouvement émergent. Celui de la future riddim (également appelée melodic riddim ou encore color riddim).
Il commence d’ailleurs à être programmé par des grosses organisations aux USA, notamment sur les scènes du Lost Lands ou du Bass Canyon – productions d’Excision Presents -, mais est aussi remarqué par le mastodonte Insomniac. D’ailleurs, on attend encore sa première venue en Europe.
Récemment, ses deux EP “Revive” puis “Crystal Coalition” ont permis d’encore faire évoluer le genre. C’était le but assumé de “Crystal Coalition”, qui inclut 4 collaborations avec des artistes émergents : beastboi., M!KESHIFT, SpaceYeti, Skybreak et Phocust.
NAZAAR
Nazaar, de son vrai nom Farhan Zahir, est un dj américain aux origines pakistanaises. Son ascension va être encore bien plus rapide que celle d’Ace Aura. Après un remix de “Sick Boy” des Chainsmokers, NAZAAR reçoit déjà les louanges de grands tels qu’Excision, RL Grime ou Zomboysur sa track “A Dance With Death”.
2019 sera l’année de l’explosion pour NAZAAR, qui va autant toucher le grand public avec sa collaboration festival trap avec Carnage, “BLITZKRIEG”, que l’auditorat aguerri avec son excellent EP “The Legacy”, sur Never Say Die Records.
Zahir va ensuite inclure progressivement des mélodies plus douces et chantées dans ses morceaux. Direction gagnante car elle accouchera de“Do Or Die” et surtout d’ “HEADSPACE”, pépite melodic trap/dubstep explosive.
Après la sortie d’un EP sur Bassrush (et une collaboration avec l’excellent Pixel Terror) puis la sortie du très énervé “Desert Chaos” avec LAYZ, NAZAAR frappe encore plus fort, avec son EP “VISNS”.
Dans ce dernier, il met un peu de côté “ses influences musicales héritées du Moyen-Orient”, et se redéfinit. Le meilleur morceau de l’EP et le meilleur exemple de cette nouvelle identité ? “WITH U”, sans hésiter, impressionnant de beauté et de déchaînement.
Ace Aura et NAZAAR unissent leurs forces sur “I’ll Be Waiting”
La rencontre de ces deux artistes, actuellement au sommet de leur art, nous permettait donc de fonder de grandes attentes. On saluera également la décision de Monstercat de mettre en avant ce morceau. Signe que ce pourtant ancien et célèbre label prend des risques et veut représenter de manière fidèle le paysage de la musique électronique actuelle.
Passons maintenant au morceau, qu’on a écouté de nombreuses fois depuis sa sortie et non sans un certain plaisir.
L’intro est une mélodie englobante faite au piano. Elle permet de créer une certaine atmosphère, mais elle ne dure en réalité que 15 secondes pour laisser place aux vocaux de Dani King – qui a déjà travaillé avec des noms reconnus tels que Tsu Nami, SWARM, et apparaît sur des labels l’étant également (Bitbird, Subsidia, Rude Service, No Copyright Sounds ou, justement, Monstercat).
Le morceau prend donc très vite en intensité, tout en gardant une patte mélodique. Après seulement 50 secondes, le premier drop arrive déjà. Une chose semble assez évidente : cette partie-là est celle d’Ace Aura. On reconnaît en effet bien ses codes et ses enchaînements de notes. Cette partie, loin sans être inintéressante, est fort chargée et ne change pas réellement, à notre sens, de ce qu’on a déjà entendu dans le genre de la melodic dubstep, future riddim, etc.
La seconde partie du morceau, par contre, le fait rentrer dans une autre dimension. A peine redescend-t-on doucement du premier drop que cela enchaîne avec dynamisme sur un kick trance extrêmement juste et fidèle au genre. L’effet de surprise est total, les émotions sont décuplées et l’attention est au maximum pour le second drop. Mention spéciale à la très bonne utilisation des vocaux, qui reviennent et se poursuivent. Apportant une réelle-plus value et une progression narrative au morceau.
Le second drop arrive, selon nous celui de NAZAAR. C’est une explosion. L’effet d’étirement, de crissement même, est extrêmement bien utilisé. Ill apporte un côté plus métallique, plus frappant, plus éclatant au morceau. Et surtout, un aspect nouveau, différentiel.
Les deux artistes arrivent même à mêler leurs deux univers en faisant cohabiter des éléments des deux drops sur la fin du morceau. Ce qui ne paraissait pas évident d’emblée. La fin arrive vite, on est clairement plus sur un shot sérotoninergique qu’une construction patiente et contemplative. Ce n’était pas non plus le but.
Notre verdict : un banger, mais…
Il est l’heure de rendre notre jugement, motivé par une vue d’ensemble du morceau et des univers respectifs des deux artistes. Très clairement pour nous, l’intro n’est pas la partie la plus intéressante du morceau, tant ce dernier monte très vite – pour une production melodic dubstep. Le premier drop est du Ace Aura pur jus, mais est un peu décevant au vu de ses capacités créatives. En d’autres mots, le début est bien, mais sans plus.
Ce n’est que lorsque le défi d’inclure une partie trance est (très bien) relevé qu’”I’ll Be Waiting” devient puissant, attirant, presque hypnotisant. Cela était peut-être prévisible que les deux artistes allaient décider de créer une différence à l’aide de ce genre. Puisque NAZAAR avait déjà une grosse partie hard techno sur son remix de “Leave Me Like This” de Skrillex et qu’Ace Aura a récemment posté des vidéos de ses essais en trance. Mais quand même…
Comme on l’a dit, après une bonne utilisation devenant progressive des vocaux, le second drop est vraiment excellent. Violent mais mélodique. Puissant mais agréable. Et créatif. On n’oserait tout de même pas avancer qu’on se situe au niveau du fameux “game changer”, mais la barre est placée haute, c’est sûr.
C’est peut-être aussi pour ça qu’”I’ll Be Waiting” est un peu frustrant. Son vrai potentiel ne se révèle qu’après seulement deux minutes, comme s’il était coupé en deux. Paradoxalement, c’est seulement lorsque les artistes ont pris un risque que cela s’est avéré bonifiant.
Crédits d’image: Ace Aura, NAZAAR.