On se met dans l’ambiance
Avant de commencer à discuter, je trouvais sympa de vous préparer une petite playlist Spotify et Deezer pour se mettre directement dans l’ambiance pendant la lecture du dossier. La playlist est constituée des artistes et chansons cités dans l’article afin de ne pas polluer la page avec divers lecteurs audio entre chaque paragraphe.
Aussi, pour les non-connaisseurs, voici un mini-lexique de termes fréquemment utilisé souvent hérité de l’anglais:
- Prod(s) : partie instrumentale d’un morceau de hip-hop
- EDM : Acronyme signifiant Electronic Dance Music, regroupe toute une variété de genres de musique électronique
- Beatmaker : compositeur de morceaux instrumentaux de hip-hop
- Featuring : participation d’un artiste sur un titre ou l’album de quelqu’un d’autre
Une introduction quand même
Bon si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est que vous connaissez et appréciez au moins l’un des deux styles de musique. On ne va pas refaire ici l’histoire du rap ou de la bass music. Mais si vous n’avez aucune connaissance dans le domaine, ce n’est pas un problème. On va quand même faire un bref historique.
Le rap est issu de la culture hip-hop au États-Unis dans les années 1970 comme une revendication du mal-être sociétal sous forme d’expression. Il est finalement considéré comme un genre musical dans les années 1980.
La bass music est issue de la culture et de l’héritage de la musique électronique anglaise. C’est un ensemble de genres musicaux incluant entre autres le dubstep, la drum and bass, la bassline ou le UK garage. Il se popularise au début des années 2000. Ces genres musicaux sont regroupés car ils partagent tous la caractéristique commune de suivre des lignes de basses sur un rythme particulier.
Bien évidemment, de la musique électronique anglaise et bass music hérite également l’étroite collaboration avec les MC (Masters of Ceremony ou Microphone Controller) et d’autant plus dans la drum and bass. Nous ne parlerons pas de cela aujourd’hui mais plus de la fusion avec l’industrie de la musique rap.
La trap est un genre qui a complètement changé le monde du hip-hop et sa culture. Il a émergé dans les années 2000 dans le sud des États-Unis avant d’envahir le monde entier dans les années 2010. Il a été popularisé par des artistes américains comme Gucci Mane, Kanye West, Jay-Z, Lil Wayne et bien d’autres.
Dans un même temps, la trap dérive sur un style découlant de l’EDM, reprenant les fondements de la trap dans une finalité et sonorité purement électronique. Le tout propulsé par des artistes comme Diplo, Baauer ou encore Yellow Claw.
À cette époque, les deux genres sont encore bien éloignés. Le rendu de la trap dans le hip-hop n’atteint pas encore, selon moi, la qualité et l’alchimie parfaite qu’elle peut avoir aujourd’hui avec des morceaux totalement uniques et hybrides des deux genres.
Le déclic
L’idée de ce dossier m’est venue il y a quelque semaine. J’écoutais une nouvelle chanson de l’artiste Français Django “LCQS” en featuring avec Gazo en voiture, et je me dis en analysant la prod:
Wow, la frontière est de plus en plus fine entre les deux styles sur certaines prods
Alors oui, c’est toujours du rap, mais c’est au niveau des prods et du rendu final que ça évolue. Si on regarde les débuts de la trap, ce qui se distinguait du hip-hop dit “old-school” était les résonances électro sombres. C’est en cherchant un peu plus d’info sur ce morceau le jour d’après que je découvre que c’est un artiste bass music Tha Trickaz qui à réalisé la prod du son. Je me dis alors que ce n’est sûrement pas un cas isolé.
L’attirance mutuelle
En effet, après quelques recherches et quelques heures d’écoute, on remarque qu’au fil des années 2010, l’attirance mutuelle des artistes pour les deux genres est de plus en plus grandissante. Il y a les artistes de bass music et d’EDM qui cherchent à collaborer avec des artistes hip-hop. Ces mêmes artistes créent des prods pour le monde du hip-hop ou ont des projets de côté entièrement consacrés au hip-hop.
En plus de ça, les codes ont totalement changé, et tant mieux. Au début du rap dans les années 80-90, il était beaucoup plus compliqué d’une part de se faire une place dans le milieu du rap et d’autre part d’être accepté par le milieu de l’industrie musicale.
À cette époque, l’industrie musicale est totalement physique, on parle de CD, vinyle et cassette. On est encore bien loin de l’industrie actuelle portée par internet et le streaming. Avec la nouvelle vague de rappeurs provenant de cette nouvelle génération internet, l’industrie de la musique du rap accepte, désormais, presque tout le monde. Cela permet une diversité culturelle beaucoup plus riche et plus forte.
Cela permet également aux producteurs de bass music et d’EDM d’explorer de nouvelles opportunités et d’atteindre un autre public donc tout le monde s’y retrouve. Ils peuvent alors travailler avec des rappeurs et se permettent d’ajouter une dimension supplémentaire en ayant la possibilité de parler des questions sociales, sociétales et culturelles dans leurs chansons.
L’autoformation
Comment ne pas trouver un lien fort quand on parle de la fusion de ces deux genres, qui à l’heure actuelle, peuvent être réalisés avec très peu de matériel et de manière totalement autodidacte. Au fil des dernières années, on ne compte même plus le nombre d’artistes qui ont percés, certes grâce avant tout à leur créativité et talent, mais aussi en ayant seulement un ordinateur et une connexion internet à leurs débuts. Une fois de plus, les codes ont totalement changés et ce n’est pas toujours négatif ! On comprend aussi qu’avec cette particularité commune, un artiste établi dans un des deux genres passe plus facilement vers l’autre n’ayant pas nécessairement d’investissement technique ou matériel à faire pour explorer de nouveaux horizons.
Restez dans le coin, la suite arrive très bientôt !
Crédits d’image: Adobe Stock, Jason Persse from Brooklyn, USA — Gucci Mane 3, David Shankbone, Benoit Tessier/Reuters, Megan Elice Meadows, StubHub, Facebook de Baauer, Tha Trickaz par Raphaël Olivier.